J.O. 72 du 26 mars 2005
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Décision n° 2005-79 du 15 février 2005 mettant en demeure la société Télévision française 1
NOR : CSAX0501079S
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;
Vu la décision no 87-26 du 4 avril 1987 reconduite portant autorisation d'utilisation de fréquences à la société Télévision française 1 ;
Vu la convention signée le 8 octobre 2001 entre la société Télévision française 1 et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, notamment ses articles 8, 10, 21 et 57 ;
Vu la séquence intitulée « La Nuit des deux couteaux », dans le cadre du reportage « Enquête au coeur de la "Crim de Versailles » diffusé au sein du magazine « Le Droit de savoir » du 4 mai 2004 ;
Considérant qu'il ressort de l'article 8 de la convention susvisée que « dans le respect du droit à l'information, la diffusion d'émissions, d'images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée [...] au secret de la vie privée » ; que lorsqu'une procédure judiciaire en cours est évoquée à l'antenne, la société doit veiller à ce que « le pluralisme soit assuré par la présentation des différentes thèses en présence, en veillant notamment à ce que les parties en cause ou leurs représentants soient mis en mesure de faire connaître leur point de vue » ;
Considérant qu'il ressort de l'article 10 de la convention susvisée que la société Télévision française 1 « respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la convention susvisée, « Le recours aux procédés permettant de recueillir des images et des sons à l'insu des personnes filmées ou enregistrées doit être limité aux nécessités de l'information du public. Il doit être restreint aux cas où il permet d'obtenir des informations difficiles à recueillir autrement. Le recours à ces procédés doit être porté à la connaissance du public. Les personnes et les lieux ne doivent pas pouvoir être identifiés, sauf exception ou si le consentement des personnes a été recueilli préalablement à la diffusion de l'émission » ;
Considérant que la séquence susvisée a porté atteinte à l'intimité de la vie privée des deux victimes d'une agression à l'arme blanche décrite en son sein, en révélant leur orientation sexuelle sans garantir leur anonymat ; qu'en effet les circonstances de l'affaire criminelle traitée rendaient les personnes concernées identifiables pour leur entourage en dépit des précautions prises par la société Télévision française 1 ;
Considérant qu'à aucun moment la séquence susvisée ne fait appel au témoignage des victimes susmentionnées, ou de personnes susceptibles d'appuyer ou de défendre leur point de vue, alors même que cette séquence développe une thèse tendant à expliquer leur agression par une réaction de légitime défense de la part de l'agresseur ; que la société Télévision française 1 n'a ainsi pas assuré la présentation des différentes thèses en présence en ne mettant pas les parties en cause ou leurs représentants en mesure de faire connaître leur point de vue ;
Considérant que la séquence susvisée porte atteinte à l'honneur et à la réputation des victimes susmentionnées en indiquant qu'elles pourraient être les auteurs d'une tentative d'agression sexuelle ;
Considérant que le voisin des deux victimes susmentionnées apparaissant dans le sujet fait état de ce que sa déposition dans les locaux de la police judiciaire a été filmée et enregistrée à son insu ; que le recours à un tel procédé, que le visionnage de la scène en cause ne permet nullement d'exclure, ne saurait être admis sans qu'il intervienne en conformité avec le régime dérogatoire fixé par l'article 21 précité qui subordonne ce recours à des conditions restrictives qui ne sont pas remplies en l'espèce ;
Considérant que par suite la société a méconnu les stipulations des articles 8, 10 et 21 de la convention susvisée ;
Considérant qu'en vertu de l'article 57 de la convention susvisée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut mettre en demeure la société de respecter les obligations qui lui sont imposées par ladite convention,
Décide :
Article 1
La société Télévision française 1 est mise en demeure de respecter les articles 8, 10 et 21 de la convention signée avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel.Article 2
La présente décision, qui sera notifiée à la société, sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 15 février 2005.
Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président,
D. Baudis